Comprendre et agir face à la chaleur : l’interview de Pascal Lenormand pour le média Pioche!

 

Dans le cadre de l’étude menée en 2025 avec Incub’ sur l’adaptation des festivals aux vagues de chaleur, le COFEES a publié le guide méthodologique « Comprendre et agir face à la chaleur ».
Le média Pioche! a interviewé Pascal Lenormand, cofondateur d’Incub’, pour revenir sur les enseignements clés de cette enquête et les leviers d’action à mettre en place dès maintenant.
Découvrez ci-dessous la retranscription complète de cet échange.

 

Face au risque canicule devenu inassurable, trois festivals majeurs du Sud (Le Festival d’Aix-en-Provence, Les Rencontres de la Photographie d’Arles, Le Festival d’Avignon) ont servi de laboratoire cet été. Et si le constat est cruel, « la marge de progression est grande ».

Cette enquête du Cofees – le Collectif des festivals éco-responsables et solidaires en Région Sud – a été commandée à Incub’, le collectif de hackers énergétiques co-fondé par l’ingénieur Pascal Lenormand. Conclusion : pour sécuriser les prochaines saisons estivales et mieux « prendre soin des gens », Incub’ prône la rupture.

Adapter enfin le bâti aux usages atypiques du spectacle, partager les multiples pratiques déjà existantes… Un travail rassemblé au sein du guide méthodologique « Comprendre et agir face à la chaleur » désormais en libre accès sur le site du Cofees. Pour mieux anticiper dès maintenant l’été 2026.

Comment est compris le sujet des vagues de chaleur dans la culture ?

Pascal Lenormand : On part de quasi-zéro, et pas seulement dans la culture. Le seul outil aujourd’hui c’est l’alerte météo France et les thermomètres, un niveau de maîtrise à peu près nul. Il n’y a pas non plus de culture de base. Les mesures d’adaptation se limitent à des injonctions très générales, comme décaler les horaires de travail pour travailler aux heures fraîches, « pensez à boire », etc.

« La plupart des solutions sont déjà là, c’est frappant. »

Or si je n’ai pas les outils, je ne peux pas comprendre le phénomène et je ne peux pas évaluer la situation. Donc je ne peux pas construire une chaîne de décisions pour protéger les personnes. Les gens sont très démunis. Et tout ce qui est gouvernemental ne nous aide pas beaucoup, l’incompétence est généralisée sur le sujet. Et c’est la même chose pour le froid en hiver.

Vous avez étudié trois festivals cet été, comment s’organisent-ils ?

La plupart des solutions sont déjà là, c’est frappant, mais dispersées, empiriques, peu optimisées. C’est de l’adaptation spontanée. Avec parfois des choses que l’on n’aurait pas pu inventer. Une maquilleuse en Provence rafraîchit les artistes en leur appliquant des petits tissus frais sur les avant-bras, car elle ne peut pas vaporiser le maquillage.

Image captée par une caméra thermique à Avignon : certaines surfaces exposées au soleil toute la journée dépassent les 72°C ©Incub’

À Arles, l’usage du ventilateur s’est généralisé. C’est la culture de la vitesse d’air, qui est à la fois beaucoup plus légère, moins consommatrice et plus efficace qu’une clim. Le festival propose de beaux éventails, de très bonne qualité. C’est simple, mais ça marche.

À l’opposé, avec le travail en heures décalées, les personnes vont devoir aller se reposer chez elles en journée, pendant une vague de chaleur. Résultat, les équipes sont très fatiguées, parce qu’en festival, elles n’ont pas toujours des logements bien isolés. Au fond, la question est toujours celle de prendre soin des gens.

Quelles sont vos conclusions ?

Nous avons constitué des cas archétypaux : dix grandes situations majeures que l’on a pu identifier partout, caractérisées avec leur risque, leurs adaptations possibles, etc. compilées dans un guide générique. Chaque festival a aussi eu son guide spécifique, avec des choses assez opérationnelles.

« Il y a mille choses à faire, partout. Le terrain est quasi vierge. »

Nous appuyons sur l’importance de construire un plan chaleur : des procédures internes, des systèmes de détection, de prévention. On introduit le concept de « brigade chaleur », des personnes formées en interne et capables de tourner sur les différents sites pour vérifier qu’il y a le matériel, que les procédures sont respectées, etc.

Il faut aussi travailler sur la culture annuelle. La robustesse pendant l’événement se travaille avec l’équipe qui est là toute l’année, pour être au rendez-vous ensuite avec les saisonniers. C’est un sujet transversal qui doit d’abord se vivre et s’expérimenter au quotidien pour être intégré.

Il y a mille choses à faire, partout. Le terrain est quasi vierge. Et comme la montée en compétence prend toujours du temps, c’est maintenant qu’il faut s’y mettre.

Lire et télécharger le guide méthodologique « Comprendre et agir face à la chaleur ».

Le Cofees remercie chaleureusement Jean-Paul Deniaud et Pascal Lenormand pour cette interview, parue dans la newsletter de Pioche! du 4 décembre 2025. 
Pour vous inscrire à la newsletter de Pioche!, cliquez ici.

 

Cliquez pour écouter le texte en surbrillance !